Vélos en ville : vers une évolution du code de la route ?

Vélos en ville : vers une évolution du code de la route ?

La pratique du vélo en ville est en plein essor. Voyez Paris : le nombre de cyclistes y a augmenté de 70% entre 2006 et 2007, et l’on peut prédire que la mise en place du Vélib’ il y a tout juste un an ne devrait pas faire fléchir cette tendance.

Au vu des nuisances occasionnées par la circulation motorisée (pollution, bruit), l’engouement suscité par la petite reine sonne comme une bonne nouvelle. Or il n’en est rien, et pour cause : si la pratique du vélo à Paris est en hausse, le nombre des accidents aussi (+ 21,4% au premier trimestre 2008).

C’est du moins ce qu’on nous répète depuis plusieurs mois. Car à y regarder de plus près, les chiffres n’offrent rien qui doive alarmer, au contraire. Selon le bilan 2007 de la sécurité routière, le nombre de tués à vélo a considérablement baissé sur le plan national (-21%, soit la diminution la plus spectaculaire constatée parmi les usagers de la route). A croire que l’augmentation du nombre de cyclistes, parce qu’elle opère une redistribution de la voirie, améliore parallèlement leur sécurité.

Haro sur le vélo

Pourtant, ces derniers mois, la presse a largement relayé les déboires du Vélib’. Suite aux trois décès survenus depuis janvier, on s’est même parfois empressé de désigner comme coupables… les cyclistes eux-mêmes, dont la conduite est jugée dangereuse. Qu’importe s’ils ne sont responsables que d’un tiers des accidents, ou s’ils comptent beaucoup moins de victimes que les piétons (3% contre 40%) : les pouvoirs publics ont choisi de leur appliquer la manière forte, et veulent sanctionner tout comportement délictueux. Ici et là, on réclame même qu’obligation soit faite aux cyclistes de porter un casque, ou de passer le code de la route. Ambiance…

Compte tenu des vertus écologiques et sanitaires de la petite reine, cette raideur à de quoi surprendre. Sur fond de flambée des cours du pétrole et de réchauffement climatique, décourager les cyclistes en multipliant les contraintes ne semble pas la façon la plus pertinente d’assurer leur sécurité. Qu’ils s’adaptent au code de la route, ne cessent de répéter leurs détracteurs ! Et si on imaginait l’inverse ? Pourquoi ne pas adapter plutôt le code de la route aux vélos ?

Le code de la rue : pour une nouvelle distribution de la voirie

L’idée vient de Belgique et a permis de réduire considérablement le nombre des victimes de la circulation. Au tout répressif, nos voisins du nord ont en effet opposé une séduisante alternative : le code de la rue. Fondé sur une meilleure distribution de l’espace entre les divers usagers de la voirie, cet aménagement du code de la route veut mettre un terme à l’hégémonie automobile en ville. Son principe : adapter la circulation aux usagers les plus vulnérables (piétons / cyclistes), en somme tourner le dos à la politique du « fort avec les faibles et faible avec les forts. » D’où la création de zones où la vitesse est limitée à 30 km/h et la multiplication des passe-droits pour les cyclistes.

En France, l’idée a fait quelques émules. A Strasbourg, un dispositif expérimental national autorise déjà les vélos à tourner à droite aux feux rouges. Cinq carrefours de la ville ont été aménagés à cet effet, et accueillent désormais un feu orange conçu exprès pour le cycliste : « cet outil [lui] rappelle qu’il n’a pas la priorité sur le piéton et qu’il doit donc faire attention à cet usager plus vulnérable que lui. Ce dispositif s’inscrit dans l’évolution du code de la route vers un code de la rue. » explique la ville de Strasbourg.

Dans le même esprit, la ville de Paris planche déjà sur son propre code de la rue : « le Code de la route est mal adapté aux villes, nous explique-t-on, et a fortiori à la capitale : rues étroites ou larges boulevards voient se côtoyer piétons, poussettes, cyclistes, motos, automobiles… et sont soumis au seul Code de la route. Il est donc nécessaire que les déplacements dans les villes prennent en compte l’ensemble des contraintes et des usagers citadins et que le mode de déplacement de référence en ville ne sera plus la voiture. »

paris.centraldoc