De l’’algue pour voler

De l’’algue pour voler

Le 7 janvier dernier, la compagnie aérienne Continental Airlines a effectué un vol d’essai d’un avion propulsé avec du biocarburant fabriqué à partir d’algues. À quand les vols commerciaux ?

Dans la revue de presse de cette semaine (www.ecofaubourgs.com), nous vous parlions des derniers progrès en matière de biocarburant, et notamment d’un combustible fabriqué à partir d’algues. Si l’industrie automobile a déjà des vues sur cette nouvelle alternative au pétrole, les derniers tests en la matière proviennent d’un autre secteur gourmant en carburant : l’aéronautique. Il y a à peine une semaine, Continental Airlines a utilisé un biocarburant composé à 50% d'algues et à 50% de Jatropha (www.zdnet.fr) pour un vol d’essai à Houston d’un Boeing 737. Pour comparer les performances avec un carburant classique, la compagnie avait décidé de propulser le second réacteur avec du kérosène classique.

Un premier teste concluant étant donné que ce biocarburant a les mêmes propriétés qu’un combustible classique. L’avantage est évidemment à chercher du côté de sa fabrication. Pas besoin d’énergie fossile (contrairement au kérosène qui utilise le pétrole), le biocarburant est fabriqué à partir d’une matière première potentiellement illimitée : l’algue. Cette plante, dont on estime à plus d’un million le nombre d’espèces sur terre est en effet cultivable sur des vastes plans d’eau salée ou dans l’océan. Par ailleurs, elle est riche en lipides : 50 à 70 % de sa masse pour certaines familles d’algues. Ce rendement est supérieur à n’importe qu’elle autre plante sur terre. Selon les scientifiques, un hectare d’algues pourrait produire 25 000 litres d’huile, alors que le colza n’atteint par exemple que 1 500 litres sur la même surface.

 

Concurrence verte en perspective

Les algues ont aussi la particularité d’absorber du dioxyde de carbone pour se nourrir et se développer. Une caractéristique qui pourrait voir leur culture utilisée pour le traitement des eaux usées ou pour assainir certains terrains proches de centrales thermiques classiques grandes émettrices de CO2 (voir photo). La seule interrogation porte désormais sur la rentabilité d’une telle culture. Selon l’industrie américaine, la production d’algue n’est intéressante financièrement que si elle est exploitée conjointement par l’industrie du biocarburant et de la chimie, et qu’elle serve à une dépollution des sols et des eaux. Enfin, seul un baril à plus de 100 dollars peut entraîner son exploitation, Boeing estimant entre 70 et 90 dollars le coût du "baril d’algues". Contrairement au premier vol d’essai de Houston, le biocarburant ne devrait être mélangé qu’à hauteur de 10 % avec le kérosène pour les vols commerciaux. Mais cette part sera forcément amenée à augmenter, d’autant que la concurrence fait déjà rage entre les compagnies aériennes dans ce secteur.

En août 2007, Air New Zealand annonçait des tests effectués en partenariat avec Boeing et Aquaflow Bionomic Corporation sur un nouveau carburant à base d’algues générées par l’écume des étangs. L’année dernière, Air France-KLM signait un accord avec AlgaeLink, société néerlandaise de production de carburant d’algue. De son côté, Virgin Fuel à testé en 2008 sur un de ses avions un mélange kérozène / biocarburant qui devrait réduire les émissions de CO2 de 50 %. Le 25 septembre dernier, 9 compagnies aériennes signaient une charte sur les biocarburants avec Boeing et Universal Oil Products (UOP), spécialiste du développement des technologies de biocarburants. Objectif : mesurer la qualité environnementale du Jatropha et s’assurer que le carburant produit à partir d’algues est compatible avec les engagements de la charte. Enfin, en France, des expérimentations ont déjà eu lieu. Le projet Shamash (www-sop.inria.fr), lancé en 2006, a pour objectif la production d’un biodiesel à partir de microalgues d’ici 2010.

Vincent Girard