La ville 2.0 : l’open source au service de l’écologie

La ville 2.0 : l’open source au service de l’écologie

L’open source vous connaissez ? Il s’agit d’une méthode de développement fondée sur la transparence (accès libre aux données), la collaboration (chacun peut contribuer à l’amélioration du système) et une diffusion « libre » (qui autorise sans restriction la copie, la transformation, l’utilisation et la diffusion d’un logiciel/d’une œuvre). Or, cette méthode est de plus en plus utilisée par les services de l’administration et les collectivités territoriales qui publient aujourd’hui quantité de données publiques. Véritables mine d’or numérique, ces données peuvent alors être consultées par les citoyens, les chercheurs, les associations ou les entreprises qui peuvent ensuite créer des services nés de la combinaison et d’une réutilisation originale de ces données. Une opportunité formidable pour l’environnement.

L’encyclopédie libre Wikipédia et le navigateur internet Firefox en sont les têtes de gondoles. Basés sur l’open source (ou open data en anglais), ces deux symboles des TIC (Technologie de l’Information et de la Communication) se sont construits grâce à l’apport de millions de contributeurs. Un apport gratuit qui a permis de faire de Wikipédia la première encyclopédie du web devant Encyclopaedia Britannica et de Mozilla Firefox le deuxième navigateur mondial derrière Internet Explorer. Mais alors que l’open source contribuait jusqu’à aujourd’hui à l’amélioration de la connaissance via l’initiative privée, de nouvelles opportunités sont apparues ces dernières années en particulier concernant la transparence de l’action publique et la création de nouveaux services nés de l’exploitation de ces données publiques.

Le mouvement a été initié de l’autre côté de l’Atlantique et notamment par Barack Obama qui avait fait de la transparence de l’action de l’Etat un thème central lors de sa campagne présidentielle. Le gouvernement américain a ainsi créé en mai 2009 le site Data.gov. Ce portail est le premier au monde à avoir centralisé des données gouvernementales. Il en recense aujourd’hui 379 901. L’état a créé 932 applications grâce à l’exploitation de ces données publiques tandis que 236 d'entre elles ont été initiées par le grand public. Une première initiative de l’open source dans le champ institutionnel qui n’aura pas tardé à faire des émules. Les gouvernements britannique puis australien ont rapidement emboité le pas aux américains et de nombreuses villes nord-américaines ont par la suite créé leur propre site de données publiques comme New York, San Francisco ou Toronto.

 

Une boite à idée écologique ?

En France, si l’Etat a décidé le mois dernier de lancer à son tour son site de données publiques, il a été devancé par de nombreuses villes françaises qui se sont engouffrées dans la brèche depuis quelques mois. Rennes et Paris ont ainsi été les pionniers en France de l’open source au niveau institutionnel. Les licences de réutilisation de ces informations publiques permettent une exploitation commerciale des données. La ville de Rennes précise que "ces informations peuvent être exploitées à d’autres fins que celles de la mission de service public pour les besoins de laquelle elles ont été produites, y compris commerciales" tandis que la Mairie de Paris souligne que "la licence ODbL (Open Database License) créée pour l’occasion est un contrat de licence ayant pour objet d’autoriser les utilisateurs à partager, modifier et utiliser librement la présente Base de données tout en maintenant ces mêmes libertés pour les autres."

Outre une meilleure transparence de l’action publique, cette ouverture des données publiques doit permettre aux entreprises d’utiliser ces bases de données pour créer de nouveaux services (pour peu que toutes les institutions qui s’aventurent dans l’open data autorisent les entreprises à utiliser ces données pour générer des revenus).

La publication de ces données publiques doit également permettre au citoyen d’exprimer sa créativité en lui offrant la possibilité de créer plus facilement des applications d’utilité publique. De nombreuses initiatives en ce sens ont déjà été expérimentées aux Etats-Unis et en Angleterre, notamment sur le thème de l’environnement. Ainsi, certaines applications permettent aux citoyens de signaler des problèmes urbains nécessitant une maintenance, comme un éclairage public défectueux, ou bien une dégradation de la chaussée. Réalisée grâce aux données publiques sur le mobilier urbain des villes concernées, ces applications ont non seulement un mérite écologique, mais permettent également aux citoyens de se sentir d’avantage impliqués dans la vie de la cité.

 

Une boucle qui doit rester ouverte

Des institutions internationales ont aussi décidé de profiter des compétences de leur audience et d’exploiter les meilleures idées proposées. C’est le cas de la Banque mondiale qui dans le cadre de son concours "Apps for development" (terminé le 10 janvier dernier) a créé son espace open source. Ce Catalogue de données permet d'accéder à plus de 2 000 indicateurs provenant de l'ensemble des sources de données de la Banque mondiale. L’objectif était de créer des applications répondant aux objectifs du millénaire définis par l’ONU en l’an 2000. Des objectifs touchant autant à l’éducation qu’à la santé, à l’environnement ou à l’égalité des sexes. Parmi la centaine de dossier reçus, huit concernent l’environnement dont Farmer Community qui vise à aider les agriculteurs du monde entier en mettant à leur disposition des cartes des sols (notamment utiles pour les pays d’Afrique) ou les adresses de l’ensemble des fournisseurs de céréales.

Deux applications visent à simuler l’impact de décisions politiques sur l’environnement comme Intelligent Energy Choices ou Land Use Calculator tandis que d’autres ont un caractère plus ludique comme Millennium Environmental Challenge (jeu qui met l’utilisateur à la tête d’une organisation fictive baptisée International Environmental Council et chargée de sauver le monde des dangers environnementaux) ou Treepet (application Facebook dont le principe consiste à effectuer au quotidien un geste pour l’environnement) mais se basent toujours sur les chiffres fournis par la Banque mondiale. Les meilleures applications seront développées et financées par la banque mondiale. Cette dernière précise d’ailleurs dans les règles du concours qu’aucun copyright ne sera apposé sur les applications récompensées. Le site web du concours restera ouvert et permettra aux participants d’améliorer encore les applications ou de les utiliser à des fins personnelles. La boucle ne sera donc pas fermée après la fin du concours.

 

Prochaine étape : convaincre les investisseurs

Si le mouvement de l’open source au service de l’écologie n’en est encore qu’à ses prémices, les initiatives déjà développées sont prometteuses. Reste désormais à régler le problème du financement des projets qui ressortent de cette boite à idées. Ainsi, si la Banque mondiale promet de financer les meilleures applications dans le cadre de son concours "Apps for development", tous les particuliers ne peuvent pas compter sur une manne financière providentielle pour développer leurs projets. C’est par exemple le cas pour ce robot à voile destiné à absorber les marées noires. Baptisé Protei, ce prototype a été inventé par une équipe de jeunes chercheurs. Basé sur l’open source, le projet a ainsi pu être amélioré progressivement grâce aux différentes versions du bateau proposés par les volontaires.

Dans le même genre, un réseau d’agriculteurs, d'ingénieurs et de donateurs baptisé Open Source Ecology a imaginé et créé le Global Village Construction Set, "une plateforme technologique open source, à faible coût et à haute performance. Elle a été conçue pour permettre la fabrication artisanale des machines industrielles nécessaires à l'établissement d'une civilisation durable avec tout le confort moderne." Là aussi, les machines ont été imaginées grâce à la contribution de toute la communauté et peuvent être améliorées en permanence si une idée est suggérée par un des membres de l’Open Source Ecology.

Aux Pays-Bas, l’entreprise Natuur en Milieu travaille en collaboration avec des universités néerlandaises afin de créer la voiture la plus green possible. Le projet qui a déjà mobilisé plus de 800 personnes à travers le monde est ouvert à tous. La voiture évolue au fil des conseils et idées proposés par les internautes et la société néerlandaise espère bien la commercialiser en 2020.

Les idées existent et le système de l’open source n’a dévoilé qu’une infime partie des avantages qu’il peut procurer. Reste désormais à convaincre les investisseurs pour que la machine soit définitivement lancée.