Télétravail : quels enjeux ?

Télétravail : quels enjeux ?

Avec l’essor des mobilités, le télétravail refait surface dans les entreprises et les collectivités. En quels termes la question se pose-t-elle aujourd’hui ? Quels sont les atouts du travail à distance et les freins à son développement ? Alors que s’achève le tour de France du télétravail, on fait le point.

 

On croyait ce serpent de mer plus ou moins relégué aux utopies des années 1980. Depuis quelques années, la question du télétravail refait pourtant surface en France et cherche à faire oublier les échecs passés, télécentres en tête. Le phénomène a même son tour de France : depuis le 30 octobre et jusqu’au18 décembre, des organismes tels que Zevillage ou LBMG labs sillonnent la France pour faire découvrir aux entreprises et collectivités les vertus du travail à distance.

Il faut dire que les arguments en faveur de son développement sont de plus en plus nombreux. A commencer par l’omniprésence des appareils mobiles et connectés dans nos vies quotidiennes. Non contents de brouiller la frontière entre vie privée et professionnelle, ces derniers contribuent largement à délocaliser le travail. La possibilité d’échanger, et même de stocker en ligne quantité d’informations et de données (via le cloud, par exemple) permet dans un nombre croissant d’activités de travailler partout où il est possible de se connecter, au café, à l’hôtel, et bien sûr chez soi.
Parallèlement, l’intégration du développement durable aux politiques d’aménagement porte les collectivités à regarder avec intérêt tout ce qui peut limiter les nuisances liées aux migrations pendulaires. En effet, si les déplacements domicile-travail ne représentent que 18% des motifs de déplacements, les Franciliens leur consacrent 30% de leur temps. C’est d’ailleurs en partie pour éviter le calvaire des transports qu’un nombre croissant de salariés se déclare favorable au télétravail (et même 90% des jeunes diplômés !). Enfin, le travail à distance pourrait s’avérer très profitable aux entreprises – et notamment les plus petites. Non seulement ce dernier permettrait de réduire le taux d’absentéisme lié aux transports, mais il aurait un effet significatif sur la productivité. Il permettrait aussi de réduire la surface des locaux de l’entreprise, avec à la clé de substantielles économies de loyer…

 

Premiers et tiers-lieux
Présenté comme une panacée, le travail à distance fait son chemin sous des formes diverses : alors que le travail (généralement à temps partiel) à domicile est plébiscité par les salariés, les indépendants et entrepreneurs, dont l’activité implique souvent d’être mobiles, investissent plutôt les tiers-lieux. Ainsi nommés par différenciation avec la maison (premier lieu) et le bureau (deuxième lieu), ceux-ci désignent tous types d’espaces suffisamment équipés (de tables, de connexions Internet gratuites) pour permettre un usage professionnel. Parmi eux, les cafés et restaurants proposant le wi-fi (Starbucks coffees et mc Donald’s en tête), mais aussi les TGV, bibliothèques, coiffeurs, etc.
Déjà banal, le modèle de l’indépendant travaillant au café du coin semble ainsi voué à se généraliser : selon The Economist, 50% du travail de bureau pourrait s’effectuer dans un tiers-lieu dans 5 ans. Dans le même temps, les espaces de coworking (voir notre article) se développent à un rythme effréné pour pallier l’isolement des télétravailleurs. Ceux-ci ne se contentent pas d’offrir tous les services loisibles dans un bureau (imprimante, photocopieur, etc.) : ils fournissent aussi un cadre de travail propice aux rencontres et à la constitution (de plus en plus cruciale) d’un réseau professionnel. Et pour tenir compte des mobilités croissantes, ils s’organisent en réseau et fournissent à leurs usagers des « coworking visas » qui leur permettront de bénéficier de l’offre de coworking spaces où qu’ils soient dans le monde.

 

La France, bureau de travail
Malgré ce contexte propice à son essor, le télétravail reste à la traine en France : il y aurait dans notre pays moins de 10% de télétravailleurs, soit deux à trois fois moins que dans les pays nordiques. « Les entreprises sont très frileuses sur le sujet, explique Baptiste Broughton, confondateur et associé de LBMG Worklabs, société de conseil en télétravail. Beaucoup d’entre elles ne sont pas prêtes à passer à un mode de travail plus flexible. ». Alors que les PME semblent assez ouvertes à la question, les résistances s’élèvent de toutes parts dans les grandes entreprises : d’un côté, les manageurs se demandent comment contrôler leurs employés s’ils ne les ont pas sous les yeux ; de l’autre, les syndicats se montrent méfiants à l’égard de la flexibilité ; entre les deux, les RH s’interrogent sur les modalités de mise en œuvre du télétravail, et notamment sur les avenants à faire figurer dans les contrats. Et partout, domine une culture fondée sur le « présentéisme » et valorisant ceux qui arrivent tôt le matin et partent tard le soir, quels que soient par ailleurs leurs résultats. Baptiste Broughton pointe aussi les craintes des entreprises en matière de systèmes informatiques : «pour qu’elles acceptent de délocaliser le travail, il faut leur offrir les moyens de sécuriser leurs données, et ne pas hésiter à faire intervenir des intervenants spécialisés sur le sujet. »
Les espaces de coworking pourraient être un moyen de lever en partie ces freins, dans les centre-villes du moins. Dotés d’une image « sexy », ils ont aussi le mérite de rassurer les manageurs dans la mesure où ils offrent un cadre à leurs employés. Mais pour que le télétravail se développe au sein des entreprises, c’est le management qui doit évoluer pour laisser plus d’autonomie aux salariés. Là encore, les espaces de coworking pourraient servir de modèles…