Qui est Alejandro Aravena, lauréat du Pritzker prize ?

Qui est Alejandro Aravena, lauréat du Pritzker prize ?

Le 13 janvier dernier, le jury du prix Pritzker décidait d’attribuer la prestigieuse récompense à Alejandro Aravena, un architecte chilien se revendiquant d’une architecture socialement engagée. Portrait d’un lauréat qui a réinventé le logement incrémenté.

Il se passe décidément quelque chose dans le monde de l’architecture : un peu plus d’un mois après l’attribution du prix Turner au collectif anglais Assemble pour sa participation à la réhabilitation d’un quartier déshérité de Liverpool, c’est un autre professionnel socialement engagé que le jury du Pritzker prize, le plus prestigieux prix d’architecture au monde, a décidé de primer le 13 janvier 2016. A 48 ans, l’architecte chilien Alejandro Aravena, qui est le quatrième latino-américain à recevoir la récompense, tranche en effet sur les « starchitectes » précédents nommés, de Jean Nouvel à Shigeru Ban. « Alejandro Aravena a expérimenté une pratique collaborative qui produit des œuvres architecturales puissantes, mais qui embrassent les grands enjeux du vingt-et-unième siècle, a expliqué Thomas J. Pritzker lors de la remise du prix. Ses réalisations offrent des solutions économiques aux moins privilégiés, atténuent les effets des catastrophes naturelles, réduisent les consommations d’énergie, et proposent des espaces publics accueillants. Innovant et inspirant, il montre comment l’architecture la meilleure peut améliorer la vie des gens. »

Concepteur de bâtiments basse consommation adaptés aux contraintes climatiques locales à l’université catholique du Chili à Santiago, il est surtout depuis 2001 la tête pensante de l’agence ELEMENTAL, un « do tank » engagé notamment dans la construction, au cœur des favelas, de logements sociaux évolutifs et participatifs. Son crédo ? « La moitié d’une bonne maison vaut mieux qu’une petite maison. » « Quand le financement est insuffisant, écrivait-il en 2014 dans Réenchanter le monde : l’architecture et la ville face aux grandes transitions (ouvrage publié sous la direction de Marie-Hélène Contal aux éditions Alternatives), la bonne réponse n’est pas nécessairement de réduire (la taille et la qualité). Il faut reformuler le problème et penser en termes d’architecture constructive. Dans cette optique, l’auto-construction peut cesser de représenter un handicap et devenir une partie de la solution. »

Pour faire face aux contraintes financières qui grèvent l’habitat social et informel, Alejandro Aravena a conçu plus de 2 500 logements « incrémentés » : « L’habitat incrémenté doit être planifié, poursuit l’architecte. Se pliant au bon sens et à la loi du moindre effort, la forme initiale doit prévoir comment l’autoconstruction permettra à une famille d’accéder au niveau de la classe moyenne. A Elemental, nous identifions un ensemble de paramètres architecturaux qui intègrent la future expansion de l’habitat. » Ainsi, tandis que l’équipe architecturale intervient pour bâtir les fondations mais aussi pour informer et former les destinataires des logements sociaux (il s’agit notamment de les alerter sur les contraintes de structure et les mesures de sécurité à respecter), le soin des finitions et de l’habillage (dont dépendra la plus-value future) est confié à ces derniers. La structure des bâtiments prend en compte, dès la conception, les extensions à venir, et l’architecture mobilise volontiers le préfabriqué pour réduire les coûts et les délais de livraison. En somme, Elemental prend à sa charge la moitié de la construction, l’autre étant laissée aux soins des familles. L’avantage d’un tel mode constructif n’est pas seulement financier : il permet aussi d’éviter la standardisation de mise dans l’habitat social, en donnant aux habitants la possibilité de customiser leur logement selon leur goût, et ainsi de mieux s’y identifier.

En rupture avec l’approche classique du logement informel et social, cette manière d’associer les habitants à la conception de leur environnement bâti n’est sans doute pas étrangère au fait qu’Alejandro Aravena ait été désigné comme le commissaire de la quinzième biennale d’architecture, dont l’inauguration est prévue en mai 2016 à Venise. Significativement intitulée « des nouvelles du front », celle-ci s’annonce en effet comme très politique…

 

Pour aller plus loin : Ré-enchanter le monde : l’architecture et la ville face aux grandes transitions, sous la direction de Marie-Hélène Contal, éditions Alternatives, 2014, 160 pages, 17 euros