Les rebuts prometteurs de Lor-K

Les rebuts prometteurs de Lor-K

Travaillant dans l’espace urbain, l’artiste Lor-K transforme nos détritus domestiques en mets appétissants ou en victimes de meurtres. Une façon d’attirer les regards sur notre frénésie de consommation.

Lor-K est artiste urbaine. Elle travaille les objets abandonnés à l’endroit-même où elle les trouve. Mobilisant toutes sortes d’outils et de techniques, de la scie à la colle, en passant par les bombes de peinture, elle revalorise ces « encombrants » et leur donne une nouvelle identité. Pour « Eat me », sa dernière série, elle a fait d’un vieux matelas un sushi, une gaufre ou un club-sandwich. Ses réalisations sont ensuite abandonnées dans la rue.

Dénoncer l’hyperconsommation

Née à Pau (64), la jeune femme de 29 ans a passé sa vie dans la banlieue sud de Paris. Aujourd’hui elle habite à Vitry-sur-seine. C’est à partir de là qu’elle explore la ville avec son scooter, ses bombes de peintures et son sac de bricolage.

Petite déjà, Lor-K s’intéressait aux objets. Elle parcourait les brocantes avec ses parents à la recherche de trésors. Aujourd’hui, les trésors c’est elle qui les fabrique. Elle a aussi été très jeune attirée par l’art. A 10 ans, elle découvre les Poscas ( feutres tout support) et les bombes de peinture. Elle s’essaie aux pochoirs, écrit le nom de ses amis en version graffiti.

lork-consomas-installation-art-urbain-dechet-poubelle-caddie-frigo-sculpture-9Mais après sa scolarité, commence une période de frustration : les écoles d’Art lui refusent leurs portes. Elle se tourne alors vers des études de commerce, où elle est confrontée à la société de consommation : « L’importance donnée à la possession efface les possibilités, la matière d’un objet, dit-elle. Un beau discours permet de vendre n’importe quoi. »

Elle décide alors de changer de cap en intégrant en 2010 la faculté d’art Panthéon-Sorbonne. A partir de ce moment, tout change, l’université va lui ouvrir l’esprit : « Avant la fac, je n’allais pas dans les musées et les galeries, raconte-t-elle. Les échanges avec les profs m’ont enrichie. »

En 2011, avec« Consomas », elle dénonce l’hyper-consommation en montrant des caddies et des frigos vomissant leurs contenus dans les rues de Paris. Le projet est exposé à la Maison des métallos et au Point éphémère. Avec ce travail, sa pensée se cristallise. Les produits de consommation abandonnés deviennent la matière première de ses œuvres.

Le contexte, inhérent à l’art de Lor-K

Pour Lor-K, le contexte de la création est tout aussi important que l’objet. « Les pièces sorties de leur environnement n’ont plus qu’une valeur esthétique et mon travail perd son sens, explique-t-elle. L’art urbain est vivant et parle dans son contexte. Il y a une différence entre créer dans des favelas au Brésil, et créer dans une capitale Européenne. »

Pour ne pas dénaturer son œuvre, Lor-K refuse souvent des expositions ou des festivals. « C’est dur de ne pas dire oui à tout, j’ai moins de visibilité, reconnaît-elle. Mais je n’ai aucun intérêt à reproduire des pièces, car elles sont liées à un moment et à des émotions particulières. »

Pour présenter ses interventions urbaines, forcément éphémères, Lor-K prend des photos et enregistre des sons, qui lui permettent de révéler l’ambiance et le processus de son travail créatif. Ainsi, pour l’exposition de « Nature Morte » à la Bab’s Galerie (2014), elle propose des installations sonores : des globes de verre renferment une image de ses créations, des compositions de déchets alimentaires laissés par les marchés. Une fois activés par les visiteurs, les orbes révèlent les bruits de marchés parisiens.

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Pour Lor-K, la conservation est une nécessité. Prendre des photos des ses pièces lui permet d’inscrire son œuvre dans le temps. C’est aussi pour elle un moyen de vivre de son art. En 2014 cette problématique de l’archivage a donné naissance au label NAU (Nouvel Art Urbain), créé par Lor-K et deux amies de fac. Il permet de promouvoir des nouveaux artistes, comme Jim ou Milo, qui ont rejoint le label. « On s’est rendu compte que l’on était pas beaucoup à utiliser l’espace urbain sous cet angle, explique-t-elle. Le label permet d’organiser des évènements ensemble et de garder des traces de nos actions éphémères. »

Ces traces d’interventions in situ sont notamment visibles sur Internet. Selon Lor-K les nouvelles technologies sont en effet vitales pour l’art urbain. Elles lui offrent une visibilité extraordinaire via les réseaux sociaux. Mais l’artiste nuance : « Il ne faut pas se satisfaire de ce qu’on voit sur internet ou dans les expos. La valeur de l’art urbain c’est son accessibilité. Il s’adresse à tout le monde dans le réel, dans notre quotidien le plus banal.  ».

Pour aller plus loin :

Une sélection d’oeuvres de Lor-K est présentée jusqu’en mai prochain à l’Hôtel de Gallifet à Aix-en-Provence, dans le cadre de l’exposition « Les enfants du graffiti ».