Food truck, la nouvelle cuisine locale itinérante

Food truck, la nouvelle cuisine locale itinérante

La vie de journaliste a parfois du bon. Réaliser un reportage sur les food trucks sous-entend en effet de se frotter de près à cette nouvelle tendance culinaire en allant goûter une cuisine itinérante haut de gamme. L’occasion agréable de découvrir une restauration encore balbutiante, et qui peine à trouver sa place.

 

Il est des zones d’emplois excentrées, où une route principale distribue quelques grands bâtiments identiques sans le moindre restaurant ou brasserie aux alentours. Saint-Orens-de-Gameville, dans la banlieue toulousaine, en fait partie. Heureusement, il y a environ un mois, un food truck baptisé «  La Cook Mobile » et au slogan très accrocheur «  In food we truck » y a pris ces quartiers. Un bon GPS et le tour est joué, je découvre le food-truck qui attend ses premiers clients.  «  On a découvert le concept des food trucks au moment où l’on cherchait à ouvrir un restaurant dans ces lieux fortement carencés en offre de restauration, raconte l’enthousiaste commerçante Sandra Perez, mais la complexité de transformer un bâtiment commercial en restaurant et les avantages promis par le food truck nous ont convaincu de nous lancer ».

 

Un camion transformé en cuisine

On connaissait déjà le camion à pizza plutôt présent dans le sud de la France ou la baraque à frites dans le Nord. A la différence de ces derniers, le food truck se place sur le créneau de la cuisine « gourmet ». Chez La Cook Mobile, le positionnement est clair : on propose une cuisine du marché, avec des produits locaux (et donc un bilan carbone positif revendiqué)  dans un esprit « slow food friendly ». Pour moins de 10 €, l’équipe sert un burger-frites composé d’une viande 100% charolais, du pain artisanal toulousain, des fruits et légumes produits localement et des frites fraiches du Lot-et-Garonne…Le tout servi très rapidement, de façon à répondre aux exigences de la clientèle du midi, qui dispose de quelques dizaines de minutes pour engloutir son repas.  Et le résultat est là : le burger comble les papilles.

«  Aujourd’hui, la street food répond à l’évolution des modes de consommations et des modes alimentaires et permet d’offrir une offre de qualité, bon marché et rapide. Autre aspect, dans de nombreuses villes, le prix du foncier est devenu totalement excluant pour de jeunes chefs qui souhaiteraient se lancer », ajoute Thomas Clouet, créateur culinaire et vice-président de l’association Street Food en Mouvement, créée il y a un peu plus d’un an afin de professionnaliser cette activité et d’accompagner les porteurs de projets.

 

Un secteur à inventer

La Cook Mobile ne cache pas son inspiration : les trucks américains. Elle en reprend à la fois le design et la langue. Le concept venu tout droit des États-Unis (Il y aurait dans le pays pas moins de 3 millions de camions-restaurants itinérants) arrive petit à petit en France. C’est à Paris que les premiers camions se sont installés avec entre autres le Camion qui Fume, qui a inauguré le principe dans la capitale. Impossible d’obtenir un nombre précis de food-trucks en France selon l’association Street Food en Mouvement : «  La faute à un secteur émergent et encore peu structuré », estime Thomas Clouet.  Erwan, créateur du site web Monitinérant.com, qui se propose de géolocaliser le food-truck le plus proche de chez soi, a comptabilisé près de 15.000 camions pour son étude de marché avant de créer sa structure. Ce chiffre inclut les camions à pizza et autres baraques à frites. Une soixantaine de camions est actuellement référencée sur le site.

Malgré la simplicité apparente d’ouvrir un camion itinérant, avoir un food-truck n’est pas une sinécure, comme l’exprime Sandra de la Cook Mobile: «  On pensait que c’était plus facile et moins cher mais finalement cette aventure n’est pas si simple. Notre principale difficulté ? Trouver un emplacement ». En effet, les différents témoignages semblent concorder sur ce point : trouver un emplacement fait figure de chemin de croix, les mairies étant le plus souvent réfractaires à accorder des autorisations sur des emplacements publics. C’est généralement sur les parkings des entreprises que les food trucs arrivent à se faire une place. « Le marché n’est pas absolument pas réglementé. Officiellement, il est interdit de produire de l’alimentation dans la rue. Il faut aujourd’hui trouver la marge, comme se coller aux marchés,  pour pouvoir installer son camion dans le domaine public. Un flou juridique qui s’ajoute à une complexité administrative. Il y a trois codes NEF disponibles et il est compliqué de trouver des assurances qui veulent bien assurer », assure le vice-président de Street Food en Mouvement.

Deux des fondateurs de la Cook Mobile, Hachim Djerrari et Sandra Perez.

Deux des fondateurs de la Cook Mobile, Hachim Djerrari et Sandra Perez.

Un argument économique …et écologique ?

Aux Etats-Unis, le food truck s’est particulièrement développé en période de crise. Selon le livre blanc publié par l’association Street Food en Mouvement en octobre 2012, équiper un camion demande un budget de 50.000€. «  Trois corollaires accompagnent  le développement de la street food : une augmentation de la diversité de l’offre, une baisse des prix et une création d’emplois », annonce le vice-président de Street Food en Mouvement. Les chiffres fournis par l’association sont ambitieux : « La progression de cette activité, sur la base des chiffres enregistrés ces dernières années, permet d’estimer la création de 10 à 15.000 emplois sur ce secteur, par an. En ajoutant à cette progression mécanique du marché, la volonté politique de faciliter l’activité street food, et ce sont, à l’horizon de 2 ans, plus de 50 000 emplois créés. »

L’impact possible en termes d’économies d’énergie est le grand absent des discours visant à promouvoir la street food en général, et les food-trucks en particulier. Pourtant, le fait de proposer une offre de restauration dans les zones éloignées des lieux plus traditionnels de restauration est une solution pertinente en termes de réduction de CO2. «  Il nous semble plus intelligent de déplacer un camion qui pourrait nourrir 50 personnes que de faire déplacer 50 personnes vers un seul site », analyse Sandra de la Cook Mobile. Mais de l’aveu de l’association Street Food en mouvement : «  Nous sommes complètement passés à-côté de cet argument mais il est clair que le food-truck pourrait permettre de reconsidérer l’urbanisme d’une ville et de se l’approprier autrement ».

Déborah Antoinat