Hugues Sibille, l’innovateur social

Hugues Sibille, l’innovateur social

« Mon parcours professionnel se définit par la volonté d’être un professionnel engagé, un acteur de changement ». Avec pas moins de 30 années en tant qu’acteur de l’économie sociale et solidaire, Hugues Sibille s’est affirmé comme un fervent promoteur de ce secteur, une figure incontournable qui croit volontiers à « l’humanisme économique ». Après s’être vu attribuer une place de choix à la Caisse des dépôts, il devient vice-président du Crédit Coopératif. Fin 2011, il a coécrit un livre d’entretiens édité par Rue de l’échiquier. L’occasion de présenter cet acteur de la finance alternative.

 

La création d’emplois, fil conducteur de sa carrière

Pépinières d’entreprises, emplois-jeunes, dispositifs locaux d’accompagnement, microcrédit personnel… : le parcours professionnel d’Hugues Sibille est jalonné par un investissement fort dans l’Economie Sociale et Solidaire (ESS). Sa définition de ce secteur mal connu, qui représente aujourd’hui moins de 10% du PIB ? « L’innovation sociale transforme les modes d’organisation, de production, de distribution en faisant de la coproduction, de l’ancrage territorial ». Sorti de Sciences Po en 1975, il n’a cessé de s’engager pour l’emploi pendant sa carrière. Après être passé par le cabinet « Syndex », structure d’expertise économique et comptable de la CFDT par « choix », il se rapproche Claude Neuschwander au sein du cabinet de management Ten, et développe une activité de consultance et d’ingénierie de développement local. Grâce à cette expérience, il pose les jalons de son approche de la création d’emplois via le développement local. Ses premiers pas en politique font évoluer sa carrière. Il collabore avec Martine Aubry en 1997 avec comme principale mission de créer 350.000 emplois pour les jeunes dans les associations et 350.000 emplois dans le privé.

C’est ensuite un poste de délégué interministériel à l’innovation sociale et à l’économie sociale de juin 1988 à octobre 2001 qui conforte son assisse dans ce secteur. L’une des autres actions significatives «dont [il] est le plus fier » : la charte d’engagements réciproques, entre l’Etat et les associations signée en 2001. C’est à cette période qu’il a rejoint la Caisse des Dépôts et Consignations puisqu’il est nommé « directeur des petites entreprises et de l’économie sociale » avec comme objectif principal la création d’emplois. Il part ensuite dans le secteur bancaire en devenant Directeur général délégué du Crédit Coopératif en 2005, et en devient Vice-Président en 2010. Il préside également l’Avise, Agence de valorisation des initiatives socio-économiques, qu’il a créée. Son rôle : accroitre le nombre et la performance des entreprises d’ESS, créatrices d’emplois et d’activités nouvelles.

 

Les combats d’Hugues Sibille pour l’ESS

Le Dispositif Local d’Accompagnement (DLA) ou l’Avise sont autant d’outils créés par Hugues Sibille pour favoriser l’émergence d’un entrepreneuriat social et ainsi encourager la « biodiversité économique ». « L’économie sociale n’a pas gagné la bataille des idées. Les économistes ne la prennent pas au sérieux. Ses think thank sont faibles ou inexistants », déplore Hugues Sibille dans son livre d’entretiens. « Il faut […] montrer qu’il doit exister une biodiversité entrepreneuriale et financière incluant une forte dose d’économie sociale ». Et d’ajouter : « L’économie de marché ne me pose pas de problème mais je considère qu’il faut en limiter la sphère ».

Ainsi, une gouvernance plus participative est l’un des défis majeurs de l’ESS. Selon la définition de l’Avise : « Les entreprises sociales partagent une même ambition : mettre leur projet entrepreneurial au service de l’Homme. Elles combinent ainsi leur projet économique avec une finalité sociale et/ou une gouvernance participative.» Promoteur du « une personne, une voix », l’homme opte pour une vision participative et citoyenne de l’économie : «L’économie sociale doit se donner pour objet d’inventer les gouvernances les plus participatives, les plus ouvertes et démocratiques, les plus transparentes. Je souhaite mettre la démocratie coopérative sous tension via « un activisme des sociétaires ».

Autre enjeu : l’internationalisation. Selon lui, l’ESS doit « contribuer à un déploiement de nouveaux modèles de développement à une échelle européenne ». Et le militant de déclarer : « Face à la crise, il appartient à l’économie sociale et solidaire de témoigner que d’autres voies sont possibles, que certaines utopies deviennent réalistes ».

Déborah Antoinat