Les délaissés urbains à la merci des green guérilleros

Les délaissés urbains à la merci des green guérilleros

Parterres d'arbres, pieds de mur, bacs de fleurs vides, friches… Les interstices urbains et les failles du bitume sont autant de lieux à investir pour ces nouveaux jardiniers urbains que sont les « green guérilleros ». L'origine de cette forme d’action directe non-violente, sinon de cette éco-tactique, remonte aux années 1970. A New York, parallèlement à l’émergence des jardins communautaires dont elle est un des fers de lance, l’artiste Liz Christy inaugure alors la « Green Guerilla » à coup de « seed bombs » (bombes de graines) lancées dans les béances de la ville. Dès les prémices du mouvement, l'ambition est bel et bien de revégétaliser les délaissés urbains de façon à redonner de la vie à un quartier déshérité. Depuis, le mouvement s'est amplifié et des actions de Guerilla gardening ont été rapportées un peu partout dans le monde, surtout à partir des années 2000.

 

Un activisme soft

Les raisons de pratiquer cet activisme vert sont multiples, comme le souligne Richard Reynolds, l’un de ses chefs de file, dans l’ouvrage La guérilla jardinière : on plante pour reconquérir la ville, favoriser les échanges et les rencontres, se nourrir, sinon par idéalisme… Dès les premières pages du livre de Richard Reynolds, le ton est donné : «  La guérilla jardinière est une lutte pour les ressources, une bataille contre la rareté de la terre, la destruction de l'environnement et le gaspillage des opportunités. C'est aussi un combat pour la liberté d'expression et la cohésion sociale  » (p 15). Un discours qui rappelle la dimension engagée d'un mouvement aux multiples visages, et dont la relation avec les autorités est teintée d’ambivalence (voir interview).

«  C'est une action douce de protestation, explique Reynolds. L'implication et la motivation doivent précéder les autorisations qui peuvent venir après, une fois que les pouvoirs publics peuvent constater les résultats obtenus ». De fait, lorsqu’il s’agit de refleurir la ville, c’est l’approche pragmatique qui prime, avec en arrière-plan ce mot d’ordre : Do-it-yourself ! Proche des valeurs autonomes revendiquées par le DIY, la Guerilla gardening récuse aussi toute forme d’organisation hiérarchique et se déploie plutôt comme un collectif informel et à géométrie variable. Pourtant, qu’ils soient indépendants, isolés ou particulièrement investis dans la communauté, ses différents groupes se structurent progressivement. Depuis 2007, un congrès international des guerilla gardeners est même organisé chaque 1er mai, journée durant laquelle sont plantés des tournesols.

 

Une nouvelle tendance de la nature en ville

Parallèlement à la structuration du mouvement, ses manières de faire et de penser la ville essaiment un peu partout comme de la mauvaise herbe. Prenez les « bombes de graines », ces boules fabriquées par les green guerilleros à partir d’argile, de compost et de graines de fleurs horticoles ou indigènes. Voici que de jeunes designers commencent à réfléchir à des objets qui en sont directement inspirés. Ainsi, à l'occasion du concours de l’innovation au salon Jardin jardins (27-29 mai) sur les nouveaux usages du végétal en ville, le lauréat du concours Gauthier Leleu (étudiant BTS design produit à ESAAT de Roubaix) a proposé un kit de trois objets destiné à s'initier à la guérilla jardinière. L’intérêt qu’a suscité son travail confirme le côté résolument « tendance » de la Guerilla gardening. Il suggère aussi que cette forme d’activisme vert est un bon point de départ pour qui veut repenser la place du végétal en milieu…

 

Pour en savoir plus :

Richard Reynolds – « La guérilla jardinière », éditions Yves Michel, Paris, 2010