Dominique Jakob : « Une architecture durable, c’est une architecture qui s’insère avec intelligence dans son contexte urbain »
Les Docks-La Cité de la mode et du design à Paris, Le Cube Orange à Lyon, le Musée du Quai Branly, le récent FRAC du Centre, de nombreux programmes de logements et d’équipements tertiaires, des scénographies et du design… : l’agence parisienne d’architecture Jakob+MacFarlane distille depuis 1994 son approche d’une architecture qui veille à assurer la continuité du contexte tout en le questionnant. Depuis avril 2013, Dominique Jakob intervient en tant qu’architecte conseil auprès de services de l’urbanisme de Toulouse. Pour midi : onze, elle évoque cette nouvelle casquette et sa vision d’une architecture intelligence.
1/ Vous venez d’être nommé architecte conseil auprès des services de l’urbanisme de Toulouse.Quelles seront vos missions et qu’est ce qui vous a motivé dans cette fonction ?
J’ai répondu à l’appel d’offres lancé par la Ville de Toulouse qui avait besoin d’un architecte indépendant pour aider la municipalité à décrypter les différents projets de logements ou d’équipements en cours d’élaboration. L’agglomération attire chaque année de nombreux nouveaux habitants avec, dans le viseur, l’ambition de préserver la qualité de l’habitat dans la ville. Mon rôle consiste notamment à assister l’équipe chargée de l’urbanisme à Toulouse lors des réunions avec les maitres d’ouvrages en amont du dépôt de permis de construire pour vérifier l’administratif. Généralement, les maitres d’ouvrage veulent aller au maximum des mètres carrés dont ils disposent. Mon rôle est par exemple de m’assurer que le projet suggère une « densité intelligente » qui veuille à intégrer des espaces verts ou favoriser la pénétration du soleil…L’enjeu est important car il s’agit de construire des lieux de vie. L’actuelle RT 2012 a beaucoup contribué à améliorer la qualité, malgré un surcout d’environ 20% mais il faut contrôler de nombreux aspects. La réalité n’est pas toujours simple pour les architectes qui doivent travailler avec des cahiers des charges parfois très contraignants. Ce qui m’a attiré dans ce projet ? Participer à cet enjeu urbanistique essentiel pour Toulouse, qui est une ville très dynamique. Cela est particulièrement motivant.
2/ Quelles sont les caractéristiques auquel doit répondre un bâtiment selon vous ?
Ce qui me semble fondamental c’est l’intelligence de l’implantation, prendre connaissance de l’environnement, du contexte urbain existant : s’agit-il d’un bâtiment destiné à l’hyper centre ou à un quartier plus excentré ?
La prise ne compte du contexte végétal me semble également importante – par exemple, de savoir si un jardin se situe à proximité de s’assurer des liaisons possibles avec celui-ci. Enfin, l’orientation par rapport au soleil est essentielle ainsi que la qualité du dessin de l’enveloppe et des matériaux. Aussi, je favorise les plans de logements traversants qui offrent une double orientation pour profiter de la lumière à différents moments et assurer une ventilation verticale particulièrement efficace pendant les périodes de canicule. J’accorde une grande importance à la façon dont les contraintes environnementales sont intégrées dans les projets qui ne les subissent pas, mais les envisagent au contraire de façon inventive ! Enfin, je suis particulièrement sensible au traitement des toitures, une problématique souvent négligée. A Toulouse, la vue du ciel est très belle et il faut conserver cette force…
3/ Quelles sont les réalisations architecturales toulousaines que vous trouvez particulièrement intéressantes ?
Toulouse se distingue par un véritable dynamisme : il y a beaucoup de programmes en cours. J’ai vu des projets intéressants dans la ZAC de Borderouge avec notamment les logements signés Laurens & Lousteau ou le programme en habillage bois de Promologis. Je citerai aussi le Muséum, le projet Aeroscopia, le futur Parc des expositions par Rem Koolhaas et l’agence OMA ou la structure géodésique de R. Buckminster Fuller, un architecte visionnaire et utopique qui sera installée Port Viguerie dans le cadre du festival International d’art de Toulouse.
4/ C’est quoi une « architecture durable » pour vous ?
Je n’ai pas d’approche didactique. Ce qui prime, c’est l’intelligence de l’implantation. Une architecture durable, c’est une architecture qui s’insère avec intelligence dans son contexte et pour une longue durée. Ainsi, il n’y a pas une réponse mais il y autant de réponses qu’il y a de projets.
5/ Que pensez-vous de l’idée de « ville durable » ?
Une ville durable est une ville qui veille à augmenter la part des espaces naturels via des parcs, jardins ou toitures végétales car la nature est un point important notamment pour rafraichir l’air. Autre dimension : la mobilité avec une offre conséquente en transports en commun et une grande place laissée aux piétons. C’est une façon de pouvoir s’approprier la ville !
Il faut également veiller à la mixité sociale et ne pas fabriquer des ghettos en fonction des CSP (catégories socio-professionnelles). Les écoquartiers sont notamment une réponse pour construire la ville durable si justement ils s’assurent de ne pas se transformer en ghetto. A l’image du nouveau quartier Borderouge à Toulouse, les écoquartiers sont des réponses intéressantes à une échelle humaine. De plus, on arrive de plus en plus à réduire les consommations énergétiques des bâtiments et on tend vers les bâtiments passifs, un aspect aussi essentiel pour la réussite d’une ville durable.
6/ Quels sont les défis que Toulouse doit relever pour devenir une ville durable ?
De préserver le patrimoine existant et d’assurer le dynamisme de cette ville qui fait son identité. Une petite maison avec un petit jardin est le type d’habitat le plus recherché par les Français. L’enjeu est donc de proposer un habitat intermédiaire pour limiter l’étalement urbain, soit des logements de petite densité et à taille humaine pour éviter la construction de pavillons qui s’étalent. Les nouveaux projets doivent être créateurs d’un futur patrimoine. Il ne faut pas seulement gérer le court terme pour les milliers de nouveaux habitants qui arrivent chaque année et ne pas négliger la qualité des petits équipements urbains (crèches, centres sportifs, abris de bus…).
Toulouse est un bel exemple des enjeux qu’une ville doit relever pour être durable, un patrimoine ancien à valoriser tout en présentant un dynamisme offert par les nombreuses universités et des entreprises présentes. Elle a tout pour devenir une grande métropole du XXIème siècle tout en conservant un cadre de vie agréable.
Propos recueillis par Déborah Antoinat