La marche urbaine : un enjeu de mobilité à l’échelle de la métropole
Depuis une quinzaine d’années, la marche en ville suscite de nouveau un engouement. De nombreuses associations et collectifs s’emparent de la marche pour proposer balades et explorations. A l’heure de la métropolisation, la marche devient un véritable enjeu de mobilité pour l’aménagement urbain.
Des initiatives pour promouvoir la marche urbaine
Après une première expérience à Paris, Fanny Rahmouni décide de développer l’expérience de la marche urbaine à Nantes lorsqu’elle déménage. Cette jeune urbaniste lance ainsi en 2015 le collectif « Les Explonautes » qui se veut informel et expérimental. « Aujourd’hui, nos marches rassemblent près d’une cinquantaine de personnes venues d’univers assez différents, estime la jeune femme. Nous avons proposé un cycle de marches autour de la Loire au moment des réflexions sur la métropole nantaise. Marcher est une manière de retrouver l’échelle humaine au sein de grands systèmes métropolitains et de travailler sur l’identité des territoires. » Comme pour les marcheurs du Voyage métropolitain (Lire notre interview), l’idée est bien d’aller sur des territoires diffus, dévalorisés ou du moins non habituels dans le tourisme classique afin d’appréhender la métropole d’une autre manière, et de reconnecter les espaces entre eux.
Dans la même dynamique, les Promenades urbaines ont lancé en 2011 avec l’association étudiante A Travers Paris
« Les promenades du Grand Paris » dans une volonté de mieux envisager la nouvelle métropole et ses problématiques. « Les questions d’identité et d’appartenance, l’immigration ou les transports constituent des angles d’approche pertinents pour réaliser nos marches », souligne Emilie Bierry, paysagiste dplg et directrice des Promenades urbaines. Cette association collabore avec la Société du Grand Paris pour la mise en place de promenades. En mai prochain, deux promenades seront organisées dans le cadre de l’exposition « Les passagers du Grand Paris Express ». Ces initiatives illustrent une tendance bien réelle, qui semble aussi intéresser les pouvoirs publics. Car l’enjeu est bien, au-delà de ces expériences associatives menées le plus souvent par des professionnels de la ville et de l’urbanisme, de faire basculer une démarche occasionnelle vers une pratique de mobilité quotidienne pour des déplacements de proximité.
« Après un premier mouvement de piétonnisation dans les centres villes au début des années 1970, on constate une seconde vague d’engouement fort en France depuis 2008. C’est une tendance internationale. Les pouvoirs publics s’en préoccupent pour des raisons de santé publique et de climat », explique Sonia Lavadinho, experte en mobilité et développement territorial. En avril 2006, le gouvernement a lancé à l’instar d’autres pays européens, notamment la Belgique, une réflexion autour du Code de la route. A l’occasion du Grenelle de l’Environnement, la démarche devient participative. Des objectifs de partage de l’espace public, de sécurité renforcée et de développement des alternatives aux déplacements automobiles vont conduire à l’adoption du nouveau code de la rue en 2008 qui introduit et de nouvelles règles d’aménagement des voiries urbaines (voir notre article sur le sujet).
La marche à l’échelle de la métropole
Reste que ces aménagements en faveur des piétons demeurent le plus souvent confinés à l’échelle du centre et des quartiers historiques des villes. Dans le cadre de son développement métropolitain, Strasbourg a lancé un plan piéton « Strasbourg en marche » sur la période 2011-2020. Le diagnostic a révélé un véritable « archipel » de quartiers «marchables » dans un vaste espace motorisé avec des coupures urbaines importantes du fait de nombreuses infrastructures ou voies d’eau. Ainsi, l’objectif de la communauté urbaine est de renforcer l’usage de la marche à pied en intermodalité au-delà de 2 kilomètres. Pour Sonia Lavadinho, « l’enjeu est l’articulation vitesse/urbanité. Au XXe siècle, on voulait aller vite et loin, au XXIe siècle, le défi de l’échelle métropolitaine, c’est de pouvoir offrir de la proximité dans un territoire de la vitesse et de permettre de la vitesse dans un territoire de la proximité ».
A Paris, l’aménagement de l’espace métropolitain et la politique locale de l’habitat seront à l’horizon 2017 une compétence de la toute nouvelle Métropole du Grand Paris qui a vu le jour le 1er janvier 2016. Comment à l’échelle de la métropole connecter les communes entre elles ? « Le passage de compétence de l’espace public de la commune à la métropole suscite de nombreux enjeux, rappelle Sonia Lavadinho. Ce changement d’échelle est très intéressant : comment va-t-on connecter les mobilités entre elles ? La marche est le pivot de la ville multimodale. Faire une politique métropolitaine est compliqué car les territoires sont très disparates avec des communes très monofonctionnelles (dortoirs, de liaison, etc.). Il faut fabriquer des territoires « marchables » comme les promenades « vertes » ou « plantées » offrant une continuité dans les espaces, favoriser les connecteurs inter-quartiers et donner aux gens un accès à un portefeuille de mobilités ».
La ville de demain aspire à ralentir et la marche installe un rythme en phase avec ces aspirations. L’essor des villes créatives, le développement de l’économie collaborative transforment aussi la sociologie des villes attirant des profils ayant une préférence pour le vélo ou la marche. Les villes du XXIe siècle devront s’adapter à ces nouveaux modes de vie pour rester dynamiques.