La pollution de l’air intérieur, un enjeu sanitaire
Le débat sur l'habitat de demain ne peut s'envisager sans prise en compte de la pollution de l'air intérieur. En effet, alors même que nous passons 80 % de notre temps dans des espaces clos, les moisissures, l'humidité et les émanations de produits chimiques sont présentes dans l’immense majorité des bâtiments. Le point sur cet enjeu écologique et de santé publique.
Selon certaines études, l'air intérieur serait plus nocif que la pollution extérieure. Peintures, solvants, cloisons, revêtements des sols, produits d'entretien, de bricolage… : les émanations toxiques proviennent aussi bien des matériaux de constructions, des meubles que de toutes sortes de produits utilisés pour les entretenir. De plus en plus, la question de la pollution intérieure s'installe dans le débat public. Au banc des accusés, ont trouve d’abord les COV (composés organiques volatiles), molécules chimiques issues de la famille des pétroles qui se présentent sous toutes les formes, vapeurs ou gaz parmi lesquels le méthane, le benzène, les dioxines, reconnaissables à leur odeur de neuf sur tous types d'objets et particulièrement mauvaises pour la santé. On pointe aussi du doigt l’humidité et les moisissures, dont la présence dans un logement augmenterait de 52% le risque de développer une maladie respiratoire. Autre conséquence de la pollution intérieure sur la santé : les allergies.
Une priorité affichée du Grenelle de l'Environnement
Parmi les sources de pollution intérieure, on trouve bien sûr les matériaux de construction. C'est à ce titre que la Fédération Française des Tuiles et des Briques (FFTB) a remis un livre blanc le 17 février dernier à l’Assemblée Nationale, afin d’alerter les pouvoirs publics sur les enjeux de la qualité de l’air intérieur. Comme l'a souligné Françoise Bas, de l'UNAF (Union Nationale des Associations familiales) dans ce même rapport : « les lois Grenelle 1 et 2 ont permis de mettre en œuvre bon nombre de mesures dans une volonté affichée de rupture, mais des marges de progrès demeurent, au regard particulièrement du volet social qui reste à renforcer. La prise en compte notamment des liens entre santé-environnement et habitat a été insuffisante ».
Pour autant, la lutte contre la pollution intérieure figure dans le Grenelle de l’environnement. Le 2e Plan national santé environnement (PNSE2) 2010-2014 en a fait l’une de ses priorités. Il prévoit un ensemble de mesures destinées à mieux connaître les sources de pollution à l’intérieur des bâtiments et à les limiter. À cet effet, l’Inéris (Institut national de l’environnement industriel et des risques) et le CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment) ont signé une convention de collaboration. Parmi les 12 mesures phares, la mise en place à partir de 2012 d’un étiquetage obligatoire des produits de construction et de décoration, la réduction de l’exposition aux substances préoccupantes dans les bâtiments accueillant des enfants, l’intervention de conseillers « habitat santé », etc. En 2011, une campagne de suivie de 20 000 enfants pour comprendre l'impact de l'environnement sur la santé et le développement devrait ainsi être lancée.
Évaluer la qualité de l'air : le nouvel enjeu
Des mesures somme tout tardives dans un contexte où « depuis les années 70, la politique d'économie d'énergie mise en œuvre a entraîné un confinement des bâtiments », selon les propos de Bertrand Delcambre , président du Centre scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) dans le livre blanc. Cette « bunkerisation » de l'habitat est toujours de mise, à en juger les projets actuels qui priorisent la réduction de la consommation énergétique et le renforcement de l'isolation. Toutefois, l'ambition de développement durable dans l'habitat se doit de dépasser les seuls critères énergétiques pour relever le défi de la santé. Autre enjeu : la mise en place d'un cadre d'évaluation pour mesurer concrètement les résultats. Comme le souligne Anne-Sophie Perrissin-Fabert, présidente de l'association HQE, « la loi sur l'étiquetage ne dit rien du résultat. Il faut aller plus loin. Certes le Grenelle 2 prévoit d'effectuer des contrôles dans les établissements publics dès 2012 mais il faut globaliser cette démarche. C'est pourquoi nous réalisons actuellement une proposition de mesures pour les bâtiments neufs (label HQE Performance) pour cette même échéance. Deux problèmes toutefois : l'absence d'une filière d'évaluation de la qualité de l'air intérieur et le coût de cette montée en compétences. On est au tout début du processus ».