Maintien à domicile des personnes âgées, un défi pour l’habitat de demain
La maison de retraite n'a pas le vent en poupe : outil de ségrégation par l'âge, renfermement, manque de valorisation de l' autonomie, coût… Ainsi, une grande majorité de personnes âgées manifestent le souhait de rester chez elles pour y vieillir et y mourir. Plus qu’un souhait, c’est une réalité : 90% des plus de 85 ans vivent à domicile. Vieillir chez soi serait également un élément impactant sur la longévité, mais dans quelle mesure et à quel prix ? Enquête.
Prévenir les accidents domestiques
Entre 68 et 80 ans, plus de 70% des ménages sont propriétaires de leur logement, une situation qui ne les dispose pas à le quitter. Alors que l'on constate un allongement de l'espérance de vie (entre 84 et 88 ans) et près de 6000 centenaires, l'âge de la dépendance est estimé statistiquement autour de 85 ans. D'après une enquête réalisée par l'INSEE en 1999-2001, sur les 11,5 millions de personnes âgées de plus de 60 ans vivant à domicile, 9% sont des dépendantes dont 3,5% lourdement. Pour Muriel Boulmier, auteure de deux rapports de missions ministérielles sur ces questions (2009, 2010) commandités pour le secrétariat d'État au logement et à l'urbanisme : « Dans bien des cas, la dépendance est compatible avec le maintien à domicile, à condition d'assurer une prévention, notamment des accidents domestiques ». La prévention, un des piliers de la convention signée en novembre 2010 par Laurent Wauquiez et Hervé Novelli pour « mettre en sécurité le domicile des personnes âgées » par le biais d'un diagnostic sécurité en s'appuyant sur les services à la personne.
Ainsi, le programme d'étude intitulé Gerhome (GERontologie at HOME) mis en place à partir de 2006 par le CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment), propose une expérimentation de services capables de détecter certaines fragilités ou pathologies du vieillissement par un suivi des activités de la personne âgée dans son logement. Des développements qui portent sur la prochaine génération de systèmes de télésurveillance ou télé-alarme. Toutefois, ces installations ne permettent pas de détecter une chute ou une fugue… Éviter les situations d'isolement, aménager aussi bien les espaces du logement que les parties communes et l'espace public sont autant de pistes à améliorer pour maintenir chez elles les personnes dépendantes.
Des enjeux sanitaires et financiers
La convention signée par le Ministère de l'Économie souhaite prévenir les accidents de la vie courante qui causent, chaque année, 20 000 décès et entraînent l’admission dans un service des urgences de 4,5 millions de personnes. Ces accidents constituent chez les personnes âgées, la troisième cause de décès après les maladies cardio vasculaires et les cancers avec notamment 80% de chutes. Selon l'enquête permanente sur les accidents de la vie courante, l'origine de l'accident est lié à l’habitat dans 70% des cas : revêtement du sol (34%), escaliers (8%), lit (6%). Au-delà de la question des accidents domestiques, c'est le bien être global de la personne âgée qui est à considérer. En la matière, les chiffres de l’étude menée en 2006/2007 par la DREE (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) autour de l'APA ( Allocation Personnalisée d'Autonomie) donnent à réfléchir : à partir du moment où une personne est diagnostiquée dépendante, sa durée de vie passe d'environ 4 ans lorsqu'elle est chez elle à environ 3 ans quand elle est placée en établissement.
De plus, pour Muriel Boulmier , « le maintien à domicile est une nécessité. L'aménagement de base pour adapter un logement est d'environ 3600 €, quand on sait que le surcoût des dépenses publiques d'une personne en hébergement type Ehpad, Établissements d'hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes, est de 1800 €/ an, au bout de deux ans, l'investissement est rentabilisé et tout le monde est gagnant». Reste que les aides issues des différentes structures (ANAH, Caisses retraites complémentaires, etc.) ne financent qu'une partie des travaux nécessaires à un aménagement pour personnes dépendantes. L'apport personnel restant se situe aux alentours de 1000/2000 €, un financement inaccessible quand on sait que le revenu moyen par mois est de 1100 € pour les plus de 65 ans. L'auteure propose dans son deuxième rapport « Bien vieillir à domicile » (juin 2010) un deuxième micro-crédit complémentaire ainsi qu'une extension du crédit d'impôt pour les descendants ou collatéraux afin de permettre une entraide générationnelle. Elle estime que « soutenir l'autonomie à domicile permet à terme de pouvoir réinjecter la contribution publique vers la très grande dépendance, très chère, qui sollicite encore plus la solidarité nationale ».