L’architecture écolo selon Edouard François
Tower Flower, SkinWall, Eden Bio ou l’Immeuble qui pousse : voici quelque projets emblématiques d’Edouard François, architecte et urbaniste. L’homme s’est fait une place de choix dans le milieu de l’architecture durable jusqu’à se faire appeler le « géant vert ». Une caricature dont Edouard François essaye de s’affranchir en se concentrant sur ce qu’il envisage comme le cœur de son métier : l’inscription dans le contexte architectural, l’humain et les usages. Rencontre.
Qu’il travaille sur une tour dans le quartier Massena, un lotissement de logements sociaux dans le 20e arrondissement de Paris ou sur la façade de l’hôtel Fouquet’s Barrière sur les Champs Elysées, le travail d’Edouard François part toujours du contexte et propose une architecture qui respecte les paysages, quels qu’ils soient. « Je travaille principalement sur des problématiques contextuelles, explique l’architecte. Par exemple, j’ai travaillé sur le projet Eden Bio en même temps que le Fouquet’s et on peut voir deux positions extrêmes. D’un côté, c’est une position sur une façade d’un quartier chic et d’un autre, il s’agit d’une position sur une intériorité, un cadre de vie. Faire du durable pour moi, c’est proposer un projet spécifique à un site donné. On ne peut pas coller la même tour ici et là. » Cette manière d’approcher l’architecture « durable » est un peu la marque de fabrique d’Edouard François, sa signature.
Mûrie peu à peu depuis 1998, année où il crée sa propre agence d’architecture après s’être associé à François Roche de 1990 à 1993 et à Duncan Lewis de 1994 à 1997, elle se pose en préalable à chaque projet, et constitue sa façon d’aborder l’environnement « sans le confondre avec des problématiques techniques qui n’ont pas grand intérêt, que tout le monde sait faire et que tout le monde est obligé de faire. »
Le végétal à bon escient
Autre marotte de l’architecte : l’utilisation du végétal. En témoignent la façade végétale des Gîtes Ruraux, à Jupilles ; l’Immeuble qui pousse à Montpellier, Tower Flower ou l’immeuble aux bambous. Pourtant, à mesure que s’est généralisé l’engouement pour les murs végétaux et autres manières de « verdir » à bon compte un bâtiment, Edouard François est devenu sur ce point plus parcimonieux : « Le vert comme « nature » va devenir emblématique du développement durable et cet emblème commence à être utilisé à tort et à travers. J’ai commencé cette approche de façon contextuelle, je trouvais intéressant d’opposer à un parc une façade végétale car cela apporte du sens. Pour le Fouquet’s, on m’a demandé une façade végétale, j’ai dit non, car cela n’avait pas de raison d’être. Le végétal, c’est une réponse à des problématiques contextuelles mais aussi de densification, de saisonnalité ».
Ainsi, pour ne pas être prisonnier de son étiquette de « géant vert », l’homme qui affirme « avoir inventé le genre arbre dans l’architecture », essaie de ne pas prendre le végétal pour point de départ de son travail et de le convoquer seulement si nécessaire, comme avec le projet de tour dans le quartier Massena à Paris : « Je reviens dans ce projet sur l’idée de végétal, positionné en hauteur, pour donner l’effet d’une touche verte comme un gros arbre ou le Mont Valérien. Cela ne déforme pas la ville ».
De nombreux projets de logements sociaux
Construction de 18 logements sociaux HQE à Louviers en Normandie, 30 logements sociaux avec Eden Bio dans le 20e à Paris et actuellement un projet de 114 logements à Champigny sur Seine : l’architecte participe à de nombreux projets en logement social. Condition de sa participation à ce type de projet : « quand on pose une question un peu pointue sur cette question ». Et Edouard François de citer l’une de ses réalisations, en cours à Champigny : « ce projet se situe dans une zone qu’on appelle « déshéritée ». Mon ambition, c’est de réconcilier cette zone. J’aurai gagné si je réussis à en faire un centre ville». Pour ce défi, l’architecte a eu l’idée de rassembler dans un même bâtiment les trois « vocabulaires » architecturaux du site : maisons de ville, pavillons et barres.
Les projets de logements sociaux lui permettent ainsi une créativité architecturale intéressante. Pour le projet Skin Wall à Grenoble (Construction de 68 logements sociaux locatifs et en accession à la propriété financée par l’Union Européenne), il a préféré mettre l’accent sur les problématiques d’hyper isolation et environnementales pour tendre vers des bâtiments à énergie positive. Sa réponse : une enveloppe pensée comme une peau qui enrobe le bâtiment et permet d’éviter les ponts thermiques, doublée d’un travail sur la notion de « mou » et de « dur » en architecture. Pour synthétiser sa position, Edouard François explique : « entre deux solutions, je choisis la plus économique et celle qui a le plus d’usage, cela se fait finalement indépendamment de la beauté qui m’intéresse assez peu. ».
Déborah Antoinat