Grand Emprunt : un coup de pouce pour le développement durable ?
Sur les 35 milliards d’euros investis dans le grand emprunt, cinq seront consacrés au développement durable. Au total, ce sont huit milliards d’euros qui seront destinés au financement des projets liés à l’économie "verte". Et certains appels à projets ont déjà désigné les premiers élus.
C’est la crise ! Oui, et c’est souvent pendant ces périodes de crise que l’Etat français s’est lancé dans de vastes emprunts publics. Depuis 1958, les différents gouvernements français ont engagé cinq emprunts à chaque fois dans des contextes économiques difficiles : 1958, 1973, 1977, 1983, 1993. Celui lancé en 2009 ne déroge pas à la règle et intervient dans un contexte économique international instable. Mais si ces emprunts successifs sont autant d’investissements pour l’avenir, on constate que l’emprunt est aussi (et d’abord ?) un outil politique qui vise à tester l’adhésion des français à une politique, une ambition mais dont l’efficacité dépend en grande partie du traitement fiscal.
L’enveloppe globale du grand emprunt est de 35 milliards d'euros. Elle a été financée à hauteur de 22 milliards par des emprunts au coup par coup. Le reste provient du remboursement de 13 milliards d'euros de fonds propres prêtés par l'État aux banques lors du début de la crise financière en 2008. Des investissements privés devraient aussi accompagner ce mouvement à hauteur de 25 à 30 milliards d’euros.
Des enveloppes moins importantes qu’espérées
Parmi les cinq priorités citées par l’Etat, cinq milliards d’euros seront consacrés à la branche «développement durable ». Une somme qui s’ajoutera « aux sept milliards d’investissements de l’Etat prévus chaque année jusqu’en 2020 dans le cadre du Grenelle de l’environnement » précisait en décembre 2009 Nicolas Sarkozy en s’appuyant sur le rapport de la commission sur les priorités d'avenir financées par l'emprunt. Ce dernier privilégiait de « développer les énergies décarbonées et l’efficacité dans la gestion des ressources ». Un axe prioritaire qui tentait de faire le grand écart entre « la création des instituts de recherche technologique dans le secteur des énergies décarbonées » et « la préparation des technologies nucléaires de demain ». "La ville de demain" et la "mobilité du futur" faisait également parti des axes prioritaires.
Deux ans plus tard, ces axes ont été repris par le chef de l’Etat. Pourtant, si les thèmes n’ont pas changé, les enveloppes ne sont pas aussi importantes qu’espérées. Ainsi, le développement de la "ville de demain" (des réseaux de transport moins polluants et un "urbanisme durable"), recevra un milliard d’euros, au lieu de 2,5 milliards, comme la commission le recommandait. Ensuite, le budget de la rénovation thermique des logements sociaux est divisé par quatre, avec une enveloppe réduite à 500 millions d’euros. Seul le développement des véhicules moins polluants recevra bien le milliard d’euros promis.
Et sur le terrain ?
Concrètement, l’investissement lié au grand emprunt reviendra aux projets sélectionnés lors de deux vagues successives. La première a eu lieu et certains projets ont déjà été retenus pour recevoir leur dotation. C’est par exemple le cas pour la création de deux Instituts d’excellence sur les énergies décarbonnées (IEED). Sur les 19 projets déposés, deux ont été retenus et six, classés B par le jury, doivent faire l’objet d’un examen complémentaire lors de la deuxième vague.
Les deux premiers lauréats ont été annoncés le 1er juin dernier. Il s’agit du projet INDEED (Institut National pour le Développement des Ecotechnologies et des Energies Décarbonées) à Lyon et du projet PIVERT (Picardie Innovations Végétales, Enseignements et Recherches Technologiques) dans l’Oise. 500 millions d’euros seront consacrés à ces deux instituts qui devraient permettre d’accélérer les projets lié aux bioénergies (biogaz à partir du bois), de développer les technologies de recyclage des matières et sous-produits en sortie d'usine ou encore de mieux connaître les techniques de transformation de la biomasse oléagineuse (passer d’une plante entière, à un produit chimique renouvelable).
D’autre part, certaines conventions seront mises en œuvre de façon « très rapide, parce qu’il n’y a pas d’appels à projets nécessaires », a expliqué François Fillon en mai dernier. C’est par exemple le cas des 500 millions d’euros de prêts verts à l’industrie qui seront, « immédiatement opérationnels ». Ils vont aider les entreprises « à adapter leur outil de production pour gagner de la compétitivité, tout en étant en phase avec les exigences du développement durable » a précisé le Premier Ministre. Les montants alloués aux entreprises iront de 50 000 à 3 millions d’euros.
Développer "un nouveau modèle de développement urbain"
Concernant l’axe sur "la ville de demain", 500 millions seront confiés à l’ANAH (Agence Nationale de l’Habitat) pour la rénovation thermique des logements privés énergivores abritant des ménages aux revenus les plus modestes. Par ailleurs, 1,35 milliards seront attribués à l’Ademe dans le cadre du financement de démonstrateurs en matière d’énergies renouvelables et de chimie verte, soit un total de 3,375 milliards en prenant en compte les investissements privés mobilisés par "effet de levier". Les premiers projets devraient être sélectionnés en décembre.
Le grand emprunt aura également pour objectif de développer "un nouveau modèle de développement urbain". Un fonds géré par la Caisse des Dépôts et Consignations et doté d’un milliard d’euros sera consacré au soutien de programmes urbains intégrés (transports, logement, énergie) qui émergeront en France au travers d’appels à projets. Le gouvernement précise que « l’objectif est, dans une logique de démonstration de grande échelle, de déployer des technologies nouvelles comme les infrastructures de recharge pour les véhicules électriques ». Enfin, 250 millions d’euros devront permettre de favoriser "l'économie circulaire" c'est-à-dire la collecte et le recyclage des déchets. Une enveloppe qui aura pour objectif de mieux valoriser l'ensemble des déchets soit douze tonnes produites par an par Français.
L’Etat espère que les 35 milliards d’euros financés par le grand emprunt dopent la croissance de la France de 0,3% par an en moyenne sur la décennie.