Flore Berlingen : « Le zéro déchet est un cap à tenir pour inciter à la réduction des déchets ! »

Flore Berlingen : « Le zéro déchet est un cap à tenir pour inciter à la réduction des déchets ! »

Le premier festival Zéro Waste dédié au mouvement zéro déchet, zéro gaspillage se déroule le 30 juin et les 1 et 2 juillet au Cabaret Sauvage à Paris. Rencontre avec Flore Berlingen, la directrice de l’association Zéro Waste France qui organise cette manifestation riche de conférences, débats et ateliers. 5000 personnes sont attendues sur les trois jours.

1/ Le festival Zéro Waste a démarré à la veille de l’entrée en vigueur de l’interdiction des sacs plastiques. Un hasard du calendrier ?

Nous n’avons pas fixé la date du festival pour coller à cette interdiction mais quand on l’a constaté, on s’est dit que c’était une belle manière de célébrer la chose, essentiellement parce que les sacs plastiques sont un symbole, un symptôme de ce nous défendons, le zéro déchet, zéro gaspillage.
Les sacs plastiques représentent les deux ! Même dans la poubelle, ils continuent de polluer ! Si au mieux ils terminent dans la poubelle et non dans la nature, les sacs plastiques brulés dans un incinérateur créent des polluants dont on ne sait pas se débarrasser ! Et pour produire des sacs plastiques, il y a des kilos et des kilos de consommations de matières premières. C’est ce dont on traite dans ce festival : ne pas s’arrêter à la poubelle mais regarder en amont ce qu’on aurait pu éviter de produire…et de jeter !

2/ Qu’est ce qui a motivé l’organisation de ce festival ?

C’était le bon moment car cela fait vraiment deux ans que les choses bougent, en France notamment, et à tous les niveaux, des citoyens aux élus ne passant par les entrepreneurs. Il reste un long chemin à parcourir mais depuis deux ans, les choses s’accélèrent ! L’objectif est de faire se rencontrer les différents acteurs du mouvement, les citoyens qui ont adopté une vie zéro déchet et les professionnels du secteur, mais aussi inciter à expérimenter le zéro déchet à travers nos ateliers (compost, réparation et fabrication de produits cosmétiques d’entretien, fabriquer de nouveaux objets à partir de récupération…).

Atelier compost lors de la première édition du festival Zéro Waste, le 1er juillet 2016.

Atelier compost lors de la première édition du festival Zéro Waste, le 1er juillet 2016.

3/ Quelle ambition portez-vous à travers ce festival ?

Fédérer, rassembler mais aussi booster tous les acteurs pour que la dynamique se poursuive ! Nous souhaitons aussi sensibiliser ceux qui ne sont pas forcément écolos à la base mais qui se rendent compte que cela relève du bon sens et que ce n’est pas forcément compliqué !

4/ Est-ce qu’un objectif aussi ambitieux que « zéro waste » n’est pas de nature à décourager ?

Il ne faut pas se focaliser sur le zéro. Le zéro c’est un horizon, un objectif ! Il y a une marge de manœuvre tellement énorme à réaliser ! Au contraire, le cap donné permet d’offrir un horizon positif avec des créations d’emplois. Plusieurs études existent et vont dans ce sens : les déchets triés vers des filières de recyclage créent des emplois.

5/ C’est quantifiable aujourd’hui ?

Concrètement, si vous avez 10.000 tonnes de déchets qui partent en décharge, vous avez un emploi. S’ils partent en incinérateur, vous avez 3 emplois, et s’ils sont envoyés dans un centre de tri, c’est 31 emplois, et pour un coût dans un même ordre de grandeur. De plus, si on parle de tout ce qui touche à la lutte contre le gaspillage, dans le réseau Zéro Waste, aujourd’hui ce sont 400 entrepreneurs qui sont sur la vente en vrac et qui proposent des produits sans emballage. En ce moment, c’est une ouverture par semaine dans toute la France.

6/ Qu’est ce qui manque aujourd’hui pour aller plus loin ?

C’est la responsabilité de chacun. Un acteur seul ne pourra pas faire bouger les choses ! On veut arrêter ce discours du ping-pong où chacun se renvoie la balle ! Notre objectif est vraiment de montrer que l’action collective est nécessaire.

7/ Tout de même, la législation permet de faire avancer les choses, comme en ce 1er juillet avec l’interdiction des sacs plastiques. Quelles sont les prochaines grandes étapes, vos prochains chantiers ?

Un des chantiers qui me tient le plus à cœur en ce moment, c’est l’interdiction des micro-billes dans les produits cosmétiques et d’entretien dont on ne soupçonne pas l’effet dévastateur qu’elles ont sur le plan environnemental, sur le milieu marin et la faune marine !
L’autre enjeu, c’est d’œuvrer pour l’application de certaines mesures votées dans le cadre de la loi de transition énergétique. D’ici 2025, les collectivités vont être obligées d’offrir la possibilité à tous de pouvoir trier ses bio-déchets à la source. D’ores et déjà, les collectivités doivent anticiper et il y a une réticence car les collectivités ont parfois peur que cela leur coûtent plus cher, que les gens ne jouent pas le jeu. Il y a beaucoup de craintes à déconstruire ! C’est toujours difficile d’envisager le changement !

École Zéro déchet lors du festival Zéro Waste, le 1er juillet 2016.

École Zéro déchet lors du festival Zéro Waste, le 1er juillet 2016.

8/ A quelle échelle le scénario Zéro Waste est-il possible ? Quel est le retour d’expérience après les premières expérimentations réalisées ?

Il y a différents exemples et différentes échelles. Hier, était présent le pionnier italien Rossano Ercolin, qui a initié la démarche en Italie, à Capannori, une ville de 40.000 habitants. A côté de cela, la province de Trévise a suivi la dynamique engagée par Capannori et là on passe à une échelle de 550.000 habitants avec plusieurs types de territoires : du rural, du semi-rural et de l’urbain dense.

9/ Pour les mêmes résultats ?

En l’occurrence, Trévise est allé encore plus loin en termes de résultats. Ils sont à 53 kg/an/habitant lorsque nous, nous sommes à 300 kg. C’est la marge de manœuvre dont je parlais tout à l’heure. La vraie question n’est pas de savoir si Trévise réussira à atteindre le zéro déchet mais si nous, on va arriver à 53 kg ! Trévise ce sont nos voisins, on a les mêmes modes de vie !

10/ Quelle recette a mis en place Trévise pour arriver à ce résultat ?

Le tri des bio-déchets est un énorme poste puisqu’ils représentent 1/3 de notre poubelle ! Ensuite, augmenter les performances de tri pour des recyclables et mettre en place une tarification incitative pour le service public de gestion de déchets.

11/ Comment expliquez-vous l’engouement pour ces sujets depuis deux ans ?

Il n’y a pas un seul élément, tout est imbriqué ! En France, je pense que le déclic est aussi venu de la réussite des exemples européens, notamment italiens. Les élus locaux ont davantage prêté l’oreille en se disant : nous aussi on peut y arriver !

12/ Et les arguments financiers, de réduction des coûts ont-ils permis de convaincre ?

Les familles qui vivent en zéro déchet l’expliquent très bien, notamment en faisant des efforts sur l’alimentaire et les produits cosmétiques et d’entretien. Et quand le réflexe est de louer, d’emprunter, ou d’acheter uniquement en occasion, cela permet de faire des économies ! Je me suis moi-même fixée comme objectif de ne rien acheter de neuf en 2016 ! Et j’y arrive ! Seule exception : les collants ! Un vrai exemple obsolescence programmée…

Propos recueillis par Déborah Antoinat