Le végétal, le support architectural de Patrick Nadeau
Designer, architecte, paysagiste, Patrick Nadeau est de ceux qui voulaient tout faire. Architecte de formation, il complète son cursus en effectuant un post-diplôme en design. Depuis une dizaine d'années, il se passionne pour le végétal qu'il utilise à différentes échelles, de l'objet à l'architecture. Rencontre.
Ne dites pas à Patrick Nadeau qu'il est designer végétal. Pour lui, il est avant tout designer et architecte. C'est après une première association avec le designer Christian Ghion que l'homme souhaite voler de ses propres ailes et ouvrir son agence en solo. Très vite, il intègre le végétal qui l'attire avant tout pour ses propriétés plastiques. « Selon moi, le végétal répond à des problématiques architecturales, je regarde les plantes d'un point de vue formel et plastique. Ça m'agace un peu qu'on prenne les plantes pour des prestataires de services qui dépolluent, on les instrumentalise ».
Tout commence avec le projet réalisé en 1999 pour le Festival International des Jardins de Chaumont-sur-Loire, avec le soutien de la Maison Hermès. Il y présente un meuble-jardin en teck et en inox, posé sur quatre pieds à 90 cm au-dessus du sol avec un système modulable.
Ouvertes et mises à l’horizontale, les quatre faces de la boîte se transforment en tables de culture où les plantes poussent dans l’épaisseur des plateaux, puisant le liquide nutritif dans des gouttières techniques remplies de fibres de coco. « C'est un projet fondateur, c'est une superposition car c'est à la fois un objet design, une micro architecture et un jardin ».
S'ensuivent de nombreuses et prestigieuses réalisations toujours dans la même veine : Maison Hermès, Kenzo Parfums, Louis Vuitton, La Ville de Rennes, Les Salines Royales d’Arc et bien d'autres. « Ce qu'il y a intéressant a croiser ses disciplines, c'est que cela ouvre de nouvelles inventions formelles, plastiques et sensibles, c'est difficile de créer de nouvelles formes », raconte Patrick Nadeau.
Imbriquer le végétal et le bâti
En parallèle à l'ouverture de son agence, il commence l'enseignement en mettant en place un atelier de design végétal à l'Esad (École Supérieure d'Art et de Design) de Reims. « Si tout va bien, en 2012, ce cours devrait se structurer en troisième cycle avec des collaborations entre architectes , scientifiques, sociologues ». Comme une reconnaissance pour cette discipline hybride. Designer avant tout, il intègre le végétal quand cela est légitime, quand cela a du sens. « Parfois, le végétal peut être encombrant du fait des contraintes techniques et d'entretien. »
Selon lui, le rôle du designer est bel et bien d'apporter des nouvelles possibilités d'imbrication entre le bâti et le végétal plus subtiles et ce, jusqu'à l'intérieur des maisons. « Il faut faire attention à ne pas vouloir tout verdir, on a passé 3000 ans à domestiquer la nature et maintenant on veut la faire renter partout », s'amuse le designer dont les travaux de sa « maison-vague » à Reims, entièrement végétalisés viennent de démarrer. Cette bâtisse éco-conçue de 130m2 se niche sous l’ondulation d’une coque en bois et en béton et emprunte aux constructions industrielles des serres en utilisant une double peau en polycarbonate sur une façade en verre.
Toutefois, même si l'éco conception l'intéresse, il estime qu'elle doit rester au service de la création, être un levier pour la créativité. « Toutes ces normes et ces labels, cela ne doit pas amener à des bâtiments tous semblables ». Un premier projet qui devrait être compléter par un projet d'écoquartier à l'horizon 2013. Son approche de la place du végétal dans la ville? « En dehors des centres historiques un peu intouchables, je pense que les lieux à investir sont les régions périphériques sous des formes hybrides « mi-urbain mi-jardin », des espaces un peu ambiguës ». Une information encore au conditionnel mais Patrick Nadeau espère réaliser une exposition sur son travail pour l'année prochaine, associée à la sortie d'un livre.
Déborah Antoinat